17 réalités méconnues sur l’accident nucléaire de Fukushima

La désinformation sur Fukushima est une menace que pèse sur l’avenir. Il est temps de rétablir quelques vérités sur le sujet.

Un document complet sur « 17 réalités méconnues sur l’accident nucléaire de Fukushima causé par le séisme et le tsunami du Tōhoku » contient les faits peu compris concernant l’accident, des explications approfondies et accessibles, une liste de sources fiables pour les lecteurs les plus ambitieux et une fiche signalétique comprenant des chiffres-clés.

17 réalités méconnues

sur l’accident nucléaire de Fukushima causé par le séisme et le tsunami du Tohoku

1. Les rejets radioactifs de l'accident de la centrale nucléaire Fukushima-Daiichi ont engendré une exposition de la population tellement faible que 10 ans plus tard aucune victime n’a été enregistrée et qu’aucune augmentation observable des cancers ou des décès n’est attendue.

Selon les conclusions définitives du comité scientifique établi par l’ONU et l’OMS (UNSCEAR)*, aucun mort ou cancer n’a pu être observé et n’est attendu de l’exposition des populations, des travailleurs ou des secours aux rejets radioactifs de la centrale accidentée. Doivent être également mentionnés 3 personnes ayant trouvé la mort dans des accidents de chantier sans rapport avec la radioactivité et une personne ayant bénéficié d’un accord d’indemnisation dans le cadre d’une plainte, auquel l’opérateur TEPCO a consenti malgré l’absence de lien établi entre le cancer du plaignant et les doses reçues lors de l’accident (74 mSv)**.

Les rejets radioactifs dus à l’accident de Fukushima, dix fois inférieurs à ceux de  Tchernobyl, ont exposé la population à des doses au maximum de l’ordre de grandeur de celles reçues lors d’un scanner médical.

Le tsunami (plus de 90%), le séisme (environ 10%) et les autres accidents industriels (plus d’une trentaine de victimes), dont la rupture du barrage de Fujinuma (huit morts), sont les responsables des plus de 18 500 morts et disparus qu’a connu le Japon ce 11 mars 2011.

* L’UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation ou Comité Scientifique des Nations Unies sur les effets des rayonnements atomiques) est un organisme de l’ONU est chargé d’évaluer les effets des rayonnements ionisants sur l’Homme. Ce comité scientifique fonctionne selon le même principe que le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

** Pour une dose de radioactivité ponctuelle, aucun effet sur la santé n’a été observé en dessous d’une dose de 100 mSv.


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2. La catastrophe naturelle du 11 mars 2011 (le séisme du Tōhoku suivi du tsunami), est responsable des près de 18 500 victimes directes. Elle a aussi provoqué une cinquantaine d’accidents industriels, qui ont eux-mêmes eu des conséquences sanitaires et environnementales. Le monde n’a pourtant essentiellement retenu que l’accident nucléaire de Fukushima malgré un bilan sanitaire considérablement inférieur.

 

Le Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Energie français a dressé en 2013 un panorama des principaux accidents industriels (hors nucléaire) survenus lors de la catastrophe naturelle du 11 mars 2011. Ils ont coûté la vie à une trentaine de personnes. Aucun ou très peu d’entre eux ont été médiatisés. Les images de certains, comme celles de l’incendie de la raffinerie Cosmo Oil, ont par contre été abondamment et abusivement détournées pour soi-disant illustrer l’accident de la centrale  Fukushima-Daiichi.

Parmi les plus notables d’entre eux nous retiendrons ceux des raffineries Cosmo Oil et JX, responsables de rejets de bitume dans la mer (sur 42 km pour Cosmo Oil), dans le sol et sur les plages et dont l’incendie a été à l’origine d’importantes émissions de fumées toxiques ; celui de la cimenterie du port d’Ofunato responsable du rejet de 1000 m3 de fioul dans l’environnement sur 3 km2 ; ceux des usines chimiques d’Ibaraki et de Fukushima responsables du rejet, dans l’environnement, d’importantes quantités d’acide chlorhydrique et de 3500 litres d’hydroxyde de sodium pur ; ainsi que les accidents ayant affecté diverses autres usines, à l’origine de nombreux rejets d’ammoniac et de fluides frigorigènes (puissants gaz à effet de serre).

On mentionnera enfin, parmi les nombreux dommages aux bâtiments et aux infrastructures, la rupture du barrage de Fujinuma qui a coûté la vie à 8 habitants du village situé en aval.

Bâtiments, ouvrages de génie civil ou usines, aucun n’était dimensionné pour résister à des événements naturels aussi exceptionnels.

 


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3. Les rejets radioactifs de l’accident nucléaire n’ont pas eu d'impact observable, et aucun n’est attendu, sur les écosystèmes terrestres et aquatiques au-delà des abords immédiats de la centrale.

L’accident nucléaire de Fukushima-Daiichi a causé le rejet de 3,5 PBq* de Césium 137 et 134 dans l’océan pacifique ce qui a conduit à une augmentation temporaire de la radioactivité de l’eau aux abords de la centrale. Des rejets dans l’atmosphère ont également conduit à une augmentation de la radioactivité dans l’air.

La durée limitée de ces rejets, la dilution de ce Césium d’une part et son piégeage dans les sédiments d’autre part ont cependant permis une diminution rapide des niveaux de contamination. Désormais, la contamination est revenue à des niveaux similaires à ceux d’avant l’accident dans l’eau aux abords de la centrale et à des niveaux négligeables dans l’air.

Ainsi, dans son rapport de 2015, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) indique qu’aucun effet direct dû à la radioactivité n’a pu être observé sur les plantes ou les animaux et indique que compte-tenu de l’exposition, il est très improbable que le biote ou les écosystèmes puissent subir des conséquences radiologiques significatives.

* Le Becquerel est une unité de mesure quantifiant l’activité d’une certaine quantité de matière radioactive. On utilise des multiples du Becquerel (comme le péta becquerel qui vaut 1015 becquerels) afin de quantifier des quantités de matière radioactive plutôt que la masse.

C’est une quantité importante, mais 10 fois inférieure à celle des rejets de Tchernobyl.


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4. Le niveau de radioactivité dans la région de Fukushima aujourd’hui est comparable à la radioactivité naturelle de plusieurs régions du monde sans aucun effet démontré sur la santé.

Dans les zones initialement évacuées et où l’ordre d’évacuation a été levé entre 2014 et 2020 (selon les zones), et où il est aujourd’hui de nouveau possible de résider, l’exposition des populations n’excède pas 20 mSv par an.

En l’état actuel des connaissances scientifiques, dont l’établissement a commencé avec l’étude des survivants des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, et consolidées depuis 75 ans, il n’existe pas d’effet discernable prouvé pour des doses inférieures à 100 mSv. Les seuils réglementaires inférieurs, à 20 mSv par exemple, sont établis pour prendre des marges compte tenu des incertitudes, au titre du principe de précaution.

Les organismes sont par ailleurs habitués à évoluer en milieu faiblement radioactif. En France, l’exposition annuelle moyenne à la radioactivité naturelle est de 2,9 mSv, avec une variabilité telle qu’elle peut atteindre plus de 10 mSv (en Bretagne par exemple ou dans le massif central, du fait de roches granitiques).

De fortes variabilités sont observées dans le monde. Par exemple, dans la région du Kerala, en Inde, l’exposition moyenne à la radioactivité naturelle est de 6 mSv/an et peut monter à 70 mSv/an sans que l’on n’observe de corrélation avec la mortalité par cancer.


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5. Les rejets en mer d’eau « radioactive » contenant du tritium (prévus à partir de 2022) n’auront pas d’impact sur les écosystèmes. L’eau retrouvera immédiatement des concentrations compatibles avec les recommandations pour l’eau potable.

À la suite de l’accident, l’endommagement des structures conduit à des infiltrations d’eau (pluie, souterraine…) dans les bâtiments, perdurant aujourd’hui, lesquelles, au contact des débris et du cœur, se contaminent en éléments radioactifs. Cette eau, pompée, collectée, décontaminée puis entreposée dans de grandes cuves autour de la centrale, représente aujourd’hui environ 1,2 millions de m3 d’eau entreposée sur le site de la centrale.

Ce site risquant la saturation d’ici à 2022, les autorités japonaises, sur recommandation des instances internationales, envisagent donc de rejeter cette eau en mer une fois que la teneur en éléments radioactifs de l’eau ramenée à des niveaux compatibles avec les rejets ordinaires d’une centrale nucléaire en exploitation, sans impact sur l’environnement.

Cette eau est dite “eau tritiée” car elle contient du tritium, élément peu radioactif, peu radiotoxique et à durée de vie courte, constituant à part entière de la molécule d’eau qui ne peut donc en être séparé. Il devra donc être inclus dans les rejets, en quantité supérieure aux rejets habituels des centrales nucléaires.

Compte tenu de la dilution de l’eau tritiée dans l’eau de mer, lorsque seront réalisés ces rejets, en dehors éventuellement des abords immédiats de la centrale, l’eau de mer affichera une concentration en tritium 10 000 fois inférieure au seuil fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’eau potable.

Dans les conditions de rejets prévues, il n’y a donc aucun risque pour la santé ou l’environnement.

Les difficultés sont essentiellement économiques et sociétales puisque la majorité de la population n’est pas informée sur les risques réels de ces rejets. Les autorités redoutent notamment des coûts d’image qui pourraient sanctionner de nouveau les pêcheurs de la préfecture de Fukushima ou servir de moyen de pression à des pays étrangers dans le cadre de leurs négociations commerciales.


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6. Un séisme et un tsunami de l’ampleur de ceux du 11 mars 2011 au Japon ne sont pas envisageables en France. Même si un accident avec fusion du combustible est possible, il reste très peu probable et avec des conséquences vraisemblablement bien moins importantes.

Un séisme suivi d’un tsunami de l’ampleur de ceux qui, au Japon, ont conduit à l’accident de Fukushima n’est pas envisageable en France. Cependant, malgré leur très faible probabilité d’occurrence, les accidents avec fusion du cœur sont pris en compte dans les analyses de sûreté.

Toutes les centrales nucléaires européennes sont ainsi équipées de plusieurs systèmes redondants pour éviter que ce type d’accident ne se produise, et pour, s’il se produisait, limiter les rejets dans l’environnement en-dehors du site. Dans ses analyses conduites après l’accident de Fukushima-Daiichi, l’Autorité de Sûreté Nucléaire française, indépendante du gouvernement et des industriels, a conclu que « […] les centrales nucléaires apparaissent comme robustes vis-à-vis des aléas considérés dans le référentiel de sûreté [nota : séisme, inondation notamment]. ». Ces évaluations de sûreté tiennent également compte des piscines de désactivation du combustible présentes sur les réacteurs.

L’inondation de la centrale nucléaire du Blayais lors de la tempête de 1999 a été classé en  niveau 2 sur l’échelle internationale INES sans commune mesure avec l’accident de Fukushima (de niveau 7 sur une échelle de 7) : la centrale ayant démontré sa robustesse et sa résilience malgré l’inondation. Un retour d’expérience complet a toutefois été intégré à l’ensemble des centrales nucléaires françaises qui présentent aujourd’hui un haut niveau de protection également contre ce type de risque.


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7. L’arrêt prolongé des centrales nucléaires japonaises suite à l’accident de Fukushima a privé brutalement le pays de 30% de son électricité, qui est, aujourd’hui encore, largement compensée par des énergies fossiles (charbon et gaz naturel), augmentant considérablement les émissions de gaz à effet de serre du Japon.

La production électrique des réacteurs nucléaires arrêtés à la suite de l’accident (dont plus de la moitié était pleinement opérationnels) a été remplacée par des énergies fossiles, essentiellement charbon et gaz.

Cette production d’électricité fossile a entraîné une hausse des émissions de CO2 de 36 % par kilowattheure entre 2010 et leur pic en 2013.  Ces énergies fossiles essentiellement importées ont fait chuter le taux d’indépendance énergétique de 20 % à 6,5 % en 2012. Entre l’accident et 2035, l’émission de 2.2 milliards de tonnes de CO2 aurait pu être évitée.

Depuis 2012, 12 unités de production d’électricité au charbon ont été construites au Japon, 15 sont en cours de construction et 10 sont au stade d’études, sortant résolument le pays de la trajectoire promise dans le cadre de l’Accord de Paris.

Les soudaines et massives importations d’énergies fossiles devenues nécessaires ont également fortement dégradé l’indépendance énergétique ainsi que la balance commerciale japonaise. Malgré la baisse forcée de la consommation d’électricité, ces importations ont quand même représenté près de 200 milliards de dollars, renchérissant le prix de l’électricité de 16% pour les particuliers et de 25% pour les entreprises.

La contraction de l’approvisionnement électrique a par ailleurs eu des conséquences sur la production industrielle qui a dû réduire sa cadence et poursuivre sa production et donc la mobilisation de ses employés pendant la nuit et les week-ends afin d’éviter des coupures.

Ces impacts sont venus s’ajouter aux difficultés déjà significatives rencontrées par l’économie et la population japonaises du fait des conséquences du séisme et du tsunami.


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8. Suite à l’accident nucléaire de Fukushima, de nombreux pays ont fermé des centrales nucléaires sûres et opérationnelles ou ont mis fin à leurs projets de construction, impactant négativement et durablement les efforts mondiaux de lutte contre le réchauffement climatique.

L’accident de Fukushima et ses conséquences médiatiques ont eu un impact négatif non négligeable dans la lutte contre le changement climatique. La peur provoquée par cet accident, légitime juste après l’accident et tant que l’incertitude a subsisté, a été instrumentalisée et pérennisée artificiellement par le mouvement antinucléaire et a entraîné une perte de confiance générale. Celle-ci a donné un véritable coup d’arrêt à de nombreux programmes nucléaires civils de par le monde. Si certains pays comme la Chine n’ont fait que suspendre leurs programmes, d’autres ont pris des mesures plus radicales.

Alors que le gouvernement allemand entreprenait de prolonger la durée de vie de ses centrales nucléaires, l’Allemagne décida immédiatement de fermer 8 GW sur les 22 GW nucléaires du pays pour une sortie progressive et complète en 2022. La Suisse interrompit le renouvellement de son parc, le Japon ferma le sien.

Au-delà de ces conséquences très visibles, l’effet majeur fut beaucoup plus insidieux. Le détournement de l’opinion publique du nucléaire sur la base de la désinformation et de la fronde médiatique soutenue dont il était l’objet, déstabilisa fortement cette industrie très dépendante à une vision politique stable sur le long terme. Soumise à un environnement politique, réglementaire et financier défavorable, voire hostile, la filière nucléaire connaît encore des difficultés très importantes à se maintenir et à se développer sur des marchés qui plus est biaisés en sa défaveur.


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9. D’ici 2035, on estime qu’il pourrait y avoir, dans le monde, jusqu’à 260 000 décès prématurés et près de 17 800 millions de tonnes de CO2 émises (soit 6 mois d’émissions mondiales), du fait des énergies fossiles qui ont remplacé les centrales nucléaires opérationnelles et sûres arrêtées à la suite de l'accident de Fukushima.

Le bilan sanitaire et climatique de la fermeture prématurée de centrales nucléaires, opérationnelles et sûres est estimé à 260 000 décès et à près de 17800 millions de tonnes de CO2 émises (soit 6 mois d’émissions mondiales) d’ici 2035.

A la suite de l’accident de Fukushima-Daiichi, l’Allemagne pris la décision immédiate d’abandonner la révision en cours de sa politique de transition énergétique de recourir au nucléaire pour, au contraire, accélérer la sortie du charbon et décida la fermeture immédiate de 8 réacteurs nucléaires sur 17 et une accélération de la fermeture des autres à l’horizon 2022.

Certes, cette politique n’a pas augmenté les émissions de CO2 du secteur électrique grâce à un développement des énergies éoliennes et solaires, et des économies d’énergie dans le secteur résidentiel. Mais, développer au même rythme ces énergies, décarbonées mais intermittentes, et fermer des centrales au charbon plutôt que les centrales nucléaires, aurait permis d’éviter l’émission de 1.4 milliards de tonnes de CO2 et la mort précoce de 21 000 personnes sur la période 2011-2035.

Grâce au nucléaire, l’Allemagne aurait pu entamer résolument sa transition vers une économie décarbonée plutôt que de se contenter de ne pas augmenter ses émissions.

Au Japon, l’arrêt de réacteurs nucléaires pourtant opérationnels a conduit à une augmentation de près de 200 millions de tonnes de CO2 par an entre 2010 et 2012. Sur la période 2011-2035, c’est 2.2 milliards de tonnes de CO2 qui auraient pu être évitées et le décès de 23 300 personnes.

Les effets de la précarité énergétique sont également un aspect de plus en plus souvent intégré dans les bilans sanitaires auprès des populations. Ainsi, une étude du NBER* indique que l’on peut estimer à 1280 (jusqu’à 4500) le nombre de morts de froid au Japon suite à l’augmentation brutale des prix de l’électricité (+38 %) qui a fait suite à l’arrêt des réacteurs nucléaires fournissant une électricité compétitive.

*Le NBER pour National Bureau of Economic Research est un organisme à but non lucratif américain consacré aux sciences économiques.

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10. La perception, par l’opinion publique, du risque nucléaire et de ses conséquences (probabilité et gravité des accidents) est disproportionnée par rapport à la réalité.

L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire français réalise chaque année un baromètre mesurant la perception par la population française des risques, dont celle du risque nucléaire et radiologique.

L’étude la plus récente révèle que 55 % des Français pensent que l’accident nucléaire de Fukushima a fait plus de 500 morts contre seulement 4% qui considèrent que l’accident n’a fait aucun mort ou entre 1 et 10 morts.

Pour 23 % des français « l’événement le plus effrayant” est l’accident nucléaire de Fukushima (malgré le fait qu’aucun mort/cancer n’ait été mis en évidence) contre seulement 7 % pour le séisme d’Haïti (230 000 morts) ou encore 6 % pour la canicule de 2003 en France (19 000 morts). De plus, 35 % des répondants considèrent que l’argument le plus fort (et le plus important) contre le nucléaire est le risque d’accident. Pourtant, la probabilité d’un accident grave est extrêmement faible et ses conséquences radiologiques réelles vraisemblablement limitées.

L’accident nucléaire de Fukushima est pourtant encore aujourd’hui régulièrement dépeint dans l’espace médiatique sous des dénominations plus anxiogènes les unes que les autres. Qu’il soit “l’accident nucléaire le plus grave de l’histoire du XXIème siècle” est un fait puisqu’il est le seul. Mais la perception que le grand public retient de ces déclarations est loin de la réalité de ses conséquences.

Cette perception disproportionnée se retrouve également dans la classe politique qui, consciemment ou non, pérennise un rapport général à l’accident qui relève du mythe plus que de la réalité.

 

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11. Le principal impact sanitaire de l’accident est une conséquence de l’évacuation et de la peur. Il porte sur le bien-être et la santé mentale des populations touchées; qu’un traitement médiatique outrancier, une communication anxiogène des mouvements militants anti-nucléaires et la stigmatisation par le reste de la population n’ont fait qu’aggraver.

Même si les rejets radioactifs ont eu des conséquences extrêmement limitées sur l’environnement et les populations, l’évacuation menée en réaction à l’accident a, elle, eu des conséquences très importantes sur le bien-être et la santé mentale des habitants et des travailleurs de la préfecture de Fukushima. Cette conclusion de l’UNSCEAR* prend en compte, en plus du traumatisme de l’évacuation, l’impact sur les populations du séisme, du tsunami et de l’accident nucléaire mais également de la peur des radiations, de l’éloignement sur la durée et de la stigmatisation associée au fait d’avoir été exposé aux rayonnements ionisants au moment de l’accident.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reprend également les résultats d’une étude qui relève une forte corrélation entre le niveau des doses reçues par les travailleurs et leur stress psychologique élevé au regard de la dangerosité potentielle de l’exposition. Il apparaît que ceux-ci ont également été victimes de discrimination et de harcèlement de la part du reste de la population, et que de nombreuses femmes ont exprimés des réticences à concevoir un enfant craignant le jugement social associé aux prétendus effets des radiations sur l’héritage génétique. 

Finalement, on constate que les anciens habitants de la préfecture de Fukushima sont réservés à l’idée de dévoiler leur ancien lieu de résidence lors d’un déménagement, du fait des discriminations qu’ils savent pouvoir encourir.

Cette focalisation, dont les effets néfastes réels sur la santé et le bien-être des populations pourraient être évités, présente aussi la caractéristique de reléguer au second plan les victimes du séisme et du tsunami et la douleur de leurs survivants.

Cette instrumentalisation est l’œuvre de certains mouvements anti-nucléaires et d’hommes et de femmes politiques qui ont choisi de faire de l’accident de Fukushima le symbole de quelque chose qu’il n’est pas. Elle fait écho à la question qui doit être posée sur le rôle des médias et des réseaux sociaux, dont se saisit l’OMS qui souligne dans son rapport la responsabilité des informations jouant sur l’émotion, non établies scientifiquement, et des rumeurs alimentant la peur, qui ont contribué à l’anxiété, à la confusion et à la division de la société.

* L’UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation ou Comité Scientifique des Nations Unies sur les effets des rayonnements atomiques) est un organisme de l’ONU est chargé d’évaluer les effets des rayonnements ionisants sur l’Homme. Ce comité scientifique fonctionne selon le même principe que le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).


SOURCES ET RÉFÉRENCES

  • Maeda, 2017 https://doi.org/10.1177/1010539516689695
  • Rapport OMS : https://apps.who.int/iris/rest/bitstreams/1318032/retrieve – pages 15 – 26
  • Un travail spécifique sur l’intérêt du dépistage systématique du cancer de la thyroïde a été réalisé en 2018 par un groupe d’experts du Centre International de Recherche sur le Cancer (IARC, Thyroid monitoring after nuclear accident (TM-NUC): http://tmnuc.iarc.fr/en/.  La conclusion de ce groupe d’experts est de ne pas recommander un dépistage systématique du cancer thyroïdien par examen ultrasonographique après un accident nucléaire, notamment du fait du risque de sur-diagnostic. Il recommande de privilégier une mise à disposition des moyens de dépistage pour des groupes d’individus à haut risque, associée à une information détaillée des risques liés au sur-diagnostic auprès des patients et des familles.
12. Des recherches récentes questionnent l'ampleur, la soudaineté et la durée des évacuations autour de Fukushima, dont l’impact sur la santé des populations concernées serait finalement plus sévère que ne l’aurait été l’effet des rejets radioactifs si ces personnes étaient restées chez elles ou revenues plus rapidement.

L’évacuation immédiate, forcée et prolongée autour de la centrale de Fukushima a entraîné 2200 morts et a eu des conséquences négatives importantes sur la santé mentale des déplacés. Elle a concerné 95 000 personnes dont, en 2020, à peine 20% étaient revenus.

L’étude des conséquences des évacuations de population menées lors des accidents de Tchernobyl et Fukushima a montré que ces effets pouvaient être supérieurs aux effets sanitaires radio-induits en cas d’évacuation non forcée (notamment chez les personnes âgées).

C’est ainsi que des chercheurs ont récemment mis au point un indicateur (la valeur J) permettant de déterminer mathématiquement l’efficacité d’une mesure de protection des populations en se basant notamment sur l’espérance de vie.

Appliquée à l’efficacité de l’évacuation des populations  lors de l’accident de Tchernobyl, cette méthode d’évaluation conclue que les autorités auraient évacué cinq à dix fois trop de personnes, trois fois trop lors de la première vague de départs (110 000 au lieu de 31 000) en 1986, la seconde en 1990 étant injustifiée.

Appliquée à l’accident de Fukushima, la même méthode d’évaluation établit qu’aucune évacuation n’aurait été réellement nécessaire compte-tenu des faibles doses reçues.

Il semblerait qu’une évacuation non systématique, non immédiate et limitée dans la durée soit préférable à ce qui a été fait jusqu’à présent.


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13. L'image négative autour des denrées alimentaires produites au Japon a pesé lourdement sur l'économie japonaise et sur les producteurs locaux qui ont encore du mal à vivre de leur production pourtant parfaitement conforme aux normes de consommation.

Si les rejets radioactifs de l’accident nucléaire, significatifs au début, ont eu des conséquences sur les productions alimentaires la première année, celles-ci sont ensuite vite devenues imperceptibles, sauf à la marge et dans de rares exceptions (champignons en forêt par exemple).

Durant les années suivant l’accident de Fukushima, les produits alimentaires japonais, notamment le poisson, ne s’exportent pourtant quasiment plus. Les japonais eux-mêmes augmentent leur consommation de produits alimentaires importés, du fait de la peur de la contamination. Cette peur, les associations antinucléaires et certains pays frontaliers du Japon n’hésitent pas à l’accentuer en dépit de mesures de contrôles toujours plus nombreuses et toujours plus rassurantes.

Les seuils draconiens imposés par les autorités sanitaires japonaises sont en effet bien plus contraignants que ceux appliqués en Europe et la production agricole de la région de Fukushima, qui ne se vend plus que localement, ne présente aucun risque pour la santé.

De manière générale, les autorités japonaises abaissent les niveaux de radioactivité réglementaires, pour les produits d’alimentation pour bébé notamment, les écoles, les légumes, et de très nombreux autres produits de consommation, imposant aux autorités locales l’achat de nouveaux instruments de mesures permettant de détecter des seuils inhabituellement bas. Dix ans plus tard, la région espère bénéficier des prochains Jeux olympiques au Japon pour effacer cette image caricaturale dans laquelle la rumeur l’enferme.

Le coût économique de la catastrophe semble difficile à évaluer. Les dommages directes du tsunami et du tremblement de terre seules sont déjà évaluées entre 3,5% à 5% du PIB et font replonger le Japon dans la récession. Certaines estimations proposent une fourchette allant de 250 à 500 milliards de dollars pour les seuls villes et territoires abandonnés (environ 800 km2). Ces estimations restent très conservatrices puisqu’elles excluent les effets de la spéculation sur le yen, la chute des exportations de produits de consommation, la hausse abrupte et durable des importations d’énergie fossiles, le ralentissement imposé à l’économie, la baisse de la production due à la rétractation énergétique, et la baisse de la consommation intérieure.

Il faut souligner que dans son chiffrage de ce qu’un accident comme Fukushima pourrait coûter en France, l’IRSN intègre les coûts d’image qui se montent à près de 40% du total. Ce coût de réputation, dont la définition souligne qu’il n’est pas justifié par les faits, a beaucoup à voir avec la manière dont le drame des uns est rapporté et médiatisé par les autres.

 

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14. De nombreuses personnalités politiques, associations antinucléaires et médias, entretiennent la confusion entre les victimes de la catastrophe naturelle et l’accident nucléaire de Fukushima, instrumentalisant (intentionnellement ou non) la mémoire des victimes et du drame qu’ont vécu et que vivent encore le Japon et les Japonais.

La catastrophe qui a frappé la région du Tōhoku au Japon a eu comme origine un tsunami, lui-même provoqué par un séisme sous-marin. Des villages, hameaux, écoles, hôpitaux, maisons de retraite, centres commerciaux, zones industrielles, peuplés de gens, ont été balayés par la vague géante. La région côtière a été entièrement ravagée, et le tsunami a fait près de 18 500 morts.

Et pourtant, cette tragédie et ses victimes semblent aujourd’hui condamnées à rester à jamais dans l’ombre de l’accident nucléaire, conséquence lui-aussi de ces événements naturels. Dès le lendemain de la catastrophe, et quasiment sans interruption depuis, une multitude d’intervenants publics ont démarré ce qui constitue le contraire d’un travail de mémoire : un travail d’omission, voire de manipulation. Personnalités politiques, militants, associations, médias, anonymes sur les réseaux sociaux – la foule hétéroclite de ceux qui ne voient cette catastrophe naturelle qu’à travers le prisme de leur dogme anti-nucléaire a entamé un travail de réécriture de l’histoire. Au gré des communiqués de presse, déclarations publiques, reportages, articles ou simples posts, et suivant le niveau de crédulité ou de cynisme de leurs auteurs respectifs, ces victimes ont disparu ou sont devenues des conséquences de la catastrophe nucléaire.

Les déclarations des comités scientifiques tels que l’OMS et l’UNSCEAR confirment que les rejets radioactifs de la centrale nucléaire n’ont pas fait de victime observable 10 ans plus tard, et que l’on en attend aucune, n’ont pas empêché un imaginaire collectif solide de se constituer pour une majorité de la population. Une population pour qui le nom de Fukushima est désormais associé à celui de la centrale nucléaire et aux milliers de victimes qu’elle n’a pourtant pas causées.

Quelquefois, l’amalgame est probablement fait par méconnaissance, comme dans ce journal de France Inter du 23 juillet 2017 qui allait jusqu’à attribuer le tsunami lui-même et ses victimes à l’accident nucléaire. Quelquefois, il est fait par omission – les victimes sont escamotées à la faveur des mentions à l’accident nucléaire. Pire, certaines figures publiques contribuent à stigmatiser par leur communication opportuniste les personnes qui ont fui la région ou les gens qui essaient toujours d’y gagner leur vie.

Les victimes de la catastrophe naturelle sont devenues à leur insu un élément dans la panoplie des militants anti-nucléaires, et leur mémoire un accessoire qui peut ou non être mentionné, suivant les besoins de la communication politique du moment. Leur opinion quant à l’utilisation de l’énergie nucléaire leur est propre et à ce titre doit être respectée, cet accident est grave et aurait pu avoir des conséquences qui l’auraient été bien plus. Cela ne justifie d’autant moins une manipulation des faits et de l’opinion. La peur et la panique ne sont pas bonnes conseillères. Se préparer à répondre à un risque si c’est là l’objectif recherché, doit commencer par bien le comprendre.

Le dixième anniversaire des évènements de mars 2011 s’annonce malheureusement comme une nouvelle occasion de voir cette communication à l’œuvre. Il nous revient, collectivement, contribuer à redonner aux victimes le respect qui leur est dû.


SOURCES ET RÉFÉRENCES  

15. Avant l'accident nucléaire de Fukushima, l’agence de sûreté nucléaire et industrielle japonaise était défaillante et peu indépendante du gouvernement et des industriels de l’énergie.

Avant l’accident de Fukushima, l’agence de sûreté japonaise n’était pas suffisamment indépendante de l’exploitant, et trop peu prescriptive vis-à-vis de ce dernier. L’une des premières mesures prises après l’accident a donc été de créer l’autorité actuelle (NRA), ayant le pouvoir de prescription, d’arrêt des réacteurs et d’autorisation de leurs redémarrages.

L’agence de l’époque n’a pas prescrit à l’exploitant une hauteur de digue protectrice cohérente avec les séismes et tsunamis historiques de la zone. Les dispositifs qui auraient permis de limiter les rejets radioactifs en cas d’accident dans le bâtiment réacteur, et présents à l’époque dans la plupart des réacteurs occidentaux et chinois, n’était pas prescrits non plus, pas plus que les systèmes, pourtant très simples, qui auraient pu empêcher les explosions d’hydrogène observées et le relâchement consécutif d’éléments radioactifs dans l’atmosphère.

Aujourd’hui, l’ensemble des réacteurs concernés dans le monde, avec des mesures adaptées pour chaque type de réacteur, est équipé de ce type de dispositifs. Les réacteurs français étaient, eux, équipés bien avant 2011.


SOURCES ET RÉFÉRENCES

16. L’analyse et le retour d’expérience de cet accident, qu’on ne doit pas sous évaluer et qui était évitable, ont permis l’amélioration du niveau de sûreté des réacteurs nucléaires, au Japon et dans le monde, avec la participation active et immédiate de l'industrie nucléaire mondiale.

L’important retour d’expérience de l’accident a permis d’améliorer encore la sûreté nucléaire au Japon et dans le reste du monde.

Après l’accident de Fukushima, l’agence de sûreté japonaise a été dissoute puis refondée. De nouveaux standards de sûreté ont été présentés en Juillet 2013, concernant la conception des réacteurs, les protections contre les tremblements de terre et les tsunamis ainsi que la limitation des conséquences des accidents graves.

Dans les minutes qui ont suivi l’accident, l’industrie nucléaire mondiale a apporté son assistance, que ce soit pour l’apport d’expertise nécessaire, la gestion de la crise après l’accident, ou les moyens logistiques qui faisaient défaut du fait de l’ampleur de la catastrophe liée au tremblement de terre et au tsunami.

Dans les mois suivants, l’ensemble des exploitants et les autorités de sûreté, les centres de R&D et les fournisseurs d’équipements et de services se sont mobilisés avec un double objectif: prendre les mesures immédiates qui faisaient défaut à Tepco (dispositifs de protection contre les rejets dans l’atmosphère et l’explosion d’hydrogène, en particulier) et lancer les études complémentaires de sûreté pour analyser les raisons de l’accident, en particulier concernant la prise en compte d’agressions externes majeures. Celles-ci ont donné lieu à l’établissement de nouvelles mesures à mettre en place sur les installations existantes, et dont le déploiement est en phase finale.

Depuis l’accident, partout dans le monde, des améliorations ont été apportées sur les centrales existantes et le retour d’expérience intégré aux réacteurs de conception nouvelle tels que l’EPR. Notamment, en France, il a été décidé de rapprocher la sûreté des réacteurs actuels du niveau retenu à la conception de l’EPR, ce qui constitue un objectif particulièrement ambitieux et exemplaire, d’équiper toutes les centrales de moyens d’ultime secours pour les cas extrêmes (moyens tous installés aujourd’hui) et de créer la Force d’Action Rapide du Nucléaire capable d’intervenir sur n’importe quel site en moins de 24h.


SOURCES ET RÉFÉRENCES 

17. Les réacteurs de la centrale d’Onagawa, la plus proche de l’épicentre, n’ont pas subi de dommages majeurs lors du séisme. Assez robuste pour résister au tsunami, la centrale a ensuite servi de refuge aux populations locales.

La centrale nucléaire d’Onagawa est la centrale la plus proche de l’épicentre du séisme du 11 mars 2011 (60 km), soit deux fois plus proche que la centrale de Fukushima-Daiichi. Ses réacteurs sont de même conception et de même modèle, bien que plus récents. Ils sont surtout exploités par un opérateur différent. Celui-ci a notamment mieux dimensionné les protections de la centrale aux séismes et tsunamis en fonction des données historiques disponibles de la région.

Lors de la catastrophe naturelle, les populations des villages les plus proches de la centrale nucléaire ont pu trouver refuge dans le gymnase protégé de la vague de 14 m de haut par l’effet conjoint de la surélévation volontaire du site, ainsi que des protections et de la robustesse de la centrale (vague plus importante que celle reçue à Fukushima-Daiichi). Les villageois ont été accueillis durant trois mois le temps de trouver une solution de relogement.

Sur les trois réacteurs que compte la centrale d’Onagawa, seul le premier réacteur ne sera pas redémarré compte tenu des coûts de remise aux nouvelles normes, jugés trop élevés par rapport à la puissance et à la durée de vie restante de ce réacteur. Le second réacteur a récemment été redémarré tandis que le troisième est en attente d’autorisation pour redémarrage.


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