GRAND DOSSIER

Exploitation dans la durée des réacteurs nucléaires en France

La durée d’exploitation des centrales nucléaires en France n’est pas limitée par l’autorisation de fonctionnement : elles peuvent être exploitées aussi longtemps que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) considère que les conditions d’exploitation assurent la sûreté des personnes et la protection de l’environnement. Des réexamens périodiques de sûreté sont conduites tous les 10 ans et des améliorations, décidées entre l’exploitant et l’ASN, portées aux réacteurs pendant leurs arrêts dits décennaux.

Toutefois, vu que certains composants des centrales ont été conçus dans la perspective d’un fonctionnement de 40 ans, le législateur a prévu en 2015 une procédure spéciale pour l’agrément de l’ASN d’un fonctionnement au-delà de la 40e année de chaque réacteur du parc EDF. Les 32 réacteurs de 900 MW, les plus anciens du parc, sont désormais concernés par cette procédure.

Elle comporte une phase dite générique (commune), vu le caractère standardisé du parc 900 MW, avec un avis de l’ASN sur l’ensemble de mesures proposées par EDF pour répondre aux objectifs de sûreté fixés par l’ASN, suivie par la mise en oeuvre des mesures sur chaque tranche au fur et à mesure de leurs 4e arrêts décennaux. L’autorisation de poursuivre le fonctionnement au-delà du 4e arrêt décennal sera accompagnée, selon la loi, d’une enquête publique pour chaque réacteur.

En décembre 2020, l’ASN a ouvert une consultation publique sur son projet de décision concernant les mesures proposées par EDF pour la phase générique. Le premier texte que vous trouverez dans cette section est la réponse des Voix à cette consultation qui souligne le caractère ambitieux des objectifs de sûreté auquels EDF s’est associé pour permettre un fonctionnement sûr dans la durée de ses réacteurs de 900 MW.

Le second texte est la réponse des Voix à une consultation publique ouverte en novembre 2020 par le ministère de la Transition Ecologique et Solidaire concernant un « projet de décret relatif aux dispositions pour les réexamens des réacteurs électronucléaires au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement. »

Ce décret apporte quelques modifications au dispositif mis en place par le législateur en 2015, notamment pour prendre en compte les résultats de la phase générique, pour permettre le regroupement des réexamens de réacteurs similaires, et pour clarifier les modalités de consultation du public, y compris le public étranger, lors de l’enquête publique obligatoire qui précède l’autorisation de poursuite de fonctionnement au-delà des 40 ans pour chaque réacteur.

Le dossier en bref

 

  • Position des Voix sur la consultation de l’ASN relative aux conditions de poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 MWe au-delà de 40 ans
  • Position des Voix sur le projet de décret relatif aux réexamens des réacteurs au-delà de 35 ans

Position des Voix sur la consultation de l’ASN relative aux conditions de poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 MWe au-delà de 40 ans

Centrale nucléaire de Saint Laurent des Eaux
Crédit photo Wikimedia T.A.F.K.A.S., CC BY-SA 3.0

L’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) a ouvert sur son site internet, du 3 décembre 2020 au 22 janvier 2021, une consultation du public sur les conditions de la poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 MWe d’EDF au-delà de leur quatrième réexamen périodique.

Cette consultation porte sur le projet de décision que l’ASN envisage d’adopter à l’issue de son instruction de la phase générique du quatrième réexamen périodique de ces réacteurs ; cette phase concerne les études et les modifications des installations qui sont communes à tous les réacteurs, ceux-ci étant conçus sur un modèle similaire.

Les Voix du Nucléaire ont participé à la session de dialogue sur le sujet entre l’ASN et la société civile. Pour la première fois, une association citoyenne favorable au nucléaire a ainsi pu participer aux échanges et représenter la part de la population reconnaissant les bénéfices de l’usage de l’énergie nucléaire pour la société, l’économie, et l’environnement.

Les Voix ont également exprimé leur position dans le cadre de la consultation en ligne de l’ASN :

D’accord avec la position de l’ASN telle que présentée à cette consultation.

Les améliorations de sûreté proposés par EDF pour poursuivre l’exploitation de ses réacteurs de 900 MW au-delà de leur 40e année sont ambitieuses.

L’exploitant relève le défi de faire tendre les réacteurs de 900 MW, dont le design remonte aux années 1970, vers un niveau de sûreté moderne (similaire à ce qui est proposé par l’EPR). Ce critère est, pour l’ASN, une des bases de son acceptation d’un fonctionnement au-delà de 40 ans. C’est un modèle d’excellence au niveau international, où à notre connaissance un tel objectif de sûreté n’a jamais été appliqué à un parc de réacteurs pour leur fonctionnement au-delà de leur durée technique d’origine.

Par exemple, aux États-Unis, la plupart des réacteurs similaires, références des réacteurs d’EDF mais plus anciens, sont déjà autorisés à fonctionner au-delà des 40 ans, et deux sont même autorisés à dépasser les 60 ans, sans avoir à remplir cette exigence de sûreté accrue. Cela marque l’ambition d’EDF – en tandem avec l’ASN – d’être leader dans le domaine.

Nous applaudissons aussi les nombreuses améliorations, y compris certaines liées aux leçons de l’accident de Fukushima, qui sont prévues rapidement suite aux arrêts décennaux des réacteurs de 900 MW Nous pensons qu’il est raisonnable, le cas échéant, d’étaler certains de ces travaux sur quelques années pour des raisons d’organisation industrielle, sans pénaliser le fonctionnement des réacteurs, à condition d’une vigilance accrue pendant cette période de transition.

L’installation d’un nouveau circuit de récupération, refroidissement et stabilisation de corium dans le puits de cuve afin de limiter l’impact environnemental et sanitaire d’un accident avec fusion de coeur, avec des modifications supplémentaires prescrites par l’ASN, est une mesure particulièrement significative qui souligne la volonté d’EDF de rapprocher la sûreté de ses réacteurs de 900 MW du niveau des réacteurs les plus récents.

Nous constatons que l’ASN juge suffisantes les mesures prévues par EDF pour maintenir l’intégrité des piscines d’entreposage du combustible et éviter le dénoyage des éléments combustible en cas d’accident grave ou d’agression, sans exiger la bunkerisation de ces piscines, moyennant la définition et la réalisation de certaines modifications supplémentaires. Cela nous semble être une approche raisonnable ; il faudra veiller à ce que les mesures opérationnelles supplémentaires pour apporter de l’eau aux piscines soient disponibles rapidement.

Concernant les facteurs non-techniques, il faudra être vigilant dans tout projet de restructuration de l’exploitant historique EDF pour assurer les moyens financiers mais surtout humains et organisationnels requis pour exploiter un tel parc de réacteurs. Il faut éviter qu’une réorganisation d’EDF déstabilise le personnel et l’entreprise au point de menacer sa maîtrise de la sûreté et la sécurité nucléaires.

L’utilisation de l’énergie nucléaire en France est extrêmement encadrée, sous l’égide d’une autorité de sûreté exigeante et indépendante. L’importance de notre parc nucléaire permet à la France d’être exemplaire en termes d’émission de CO2 et d’éviter aussi largement la pollution aux NOX , SOX , particules fines et CO2 des centrales fossiles. De surcroît, ce parc fournit une électricité de base stable qui permet de compenser l’intermittence de la production des éoliennes et du solaire photovoltaïque sans avoir recours à des moyens de production fossiles et en limitant les besoins d’importation d’électricité.

Nous sommes favorables à la poursuite de l’exploitation de ce parc au-delà des 40 ans, ainsi qu’à la construction de nouvelles unités dès que cela sera possible.

Par ailleurs, nous voudrions souligner l’effort de pédagogie et de transparence fourni par l’ASN autour de ce sujet, notamment la publication du livret « Centrales Nucléaires au-delà de 40 ans » qui permet à tout citoyen de se faire une idée sur les dispositifs et les mesures les plus importants du programme d’amélioration de sûreté d’EDF pour le parc 900 MW et la position de l’ASN sur chacun de ses points.

Les Voix du Nucléaire

Position des Voix sur le projet de décret relatif aux réexamens des réacteurs au-delà de 35 ans

Centrale nucléaire de Dampierre
Crédit photo Wikimedia – Pymouss, CC BY-SA 3.0

Le ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a ouvert en novembre 2020 une consultation publique concernant un projet de décret relatif aux dispositions pour les réexamens des réacteurs électronucléaires au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement.

Les Voix du Nucléaire ont exprimé leur position sur ce décret dans le cadre de la consultation en ligne :

Il paraît souhaitable et, somme toute, logique de profiter de la possibilité donnée par l’homogénéité du parc de réacteurs EDF de conduire les réexamens périodiques en deux phases, une générique (commune) concernant les réacteurs d’un palier standardisés, l’autre spécifique à chaque réacteur de ce palier.

Nous sommes globalement favorables aux dispositifs proposés par ce décret concernant le contenu des dossiers à soumettre à l’enquête publique obligatoire avant la décision d’autoriser la poursuite de fonctionnement d’un réacteur après son 4e réexamen périodique. La présentation du bilan de la concertation publique conduite lors de la phase commune, ainsi que l’obligation pour l’exploitant de présenter les principales mesures prises pour améliorer la sûreté de son installation ainsi que la protection de l’environnement, sont de nature à mieux éclairer le public sur les enjeux de l’enquête publique et favorisent donc une meilleure participation.

Quant au périmètre de consultation de l’enquête publique, le projet de décret prévoit que quand « une partie du territoire d’un Etat étranger est contiguë au périmètre de consultation mentionné à l’article R. 593-62-6, le préfet consulte cet Etat. » Vu l’emplacement des centrales nucléaires françaises, cette disposition ne devrait logiquement concerner que l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. La formule implique que ne seraient consultés que les gouvernements fédéraux de ces trois pays, et non les gouvernements des régions ; nous espérons que ce soit le cas. Dans un souci de réciprocité, il conviendrait que le nucléaire soit traité de la même manière que les autres sources d’énergie en Europe, et que cette disposition soit applicable à l’ensemble des grands projets énergétiques de ses voisins. C’est-à-dire que les français ou leurs représentants élus puissent être consultés sur les sujets comme le gazoduc Nord Stream 2, les prolongations d’autorisation d’exploitation des centrales à charbon allemandes, la nouvelle centrale à charbon de Datteln4, ou les prochaines constructions de centrales à gaz belges.

Sur le principe de l’exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans, il y a aujourd’hui un large consensus international. C’est une recommandation de l’AIE afin de lutter contre la crise climatique, et en France l’ADEME elle-même reconnaît qu’il est moins cher de prolonger les réacteurs plutôt que d’installer des énergies renouvelables, et pour un bilan carbone encore meilleur. Moins cher en effet, car pour un investissement global de quelques 50 milliards d’euros, poursuivre l’exploitation jusqu’à 60 ans ne représente au final qu’un surcoût d’environ 6 euros par MWh, pour un facteur de charge de 75%.

Autoriser l’exploitation continue des réacteurs nucléaires, après les améliorations qui auront été agréées, c’est leur permettre de produire de l’électricité à bas coût, et avec des émissions de CO2 parmi les plus faibles de tous les moyens de production.

A l’heure où l’approvisionnement en électricité devient tendu, il convient de trouver un équilibre entre exigences de sûreté et modèle économique du nucléaire français. Les citoyens ont besoin que l’énergie nucléaire soit traitée avec un niveau d’exigence qui soit proportionné au risque qu’elle présente, évalué par des autorités de sûreté compétentes que sont l’ASN et son soutien technique, l’IRSN.

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