Fusion, où en est-on ?

L’AVENIR

Le nucléaire est une énergie et une filière d’avenir. Si l’actualité récente a voulu nous prouver le contraire, c’est par le biais de décisions politiques très conjoncturelles, et, pour tout dire, opportunistes.

La réalité des tendances de fond est tout autre. Traduite par la recherche, soutenue par la réalité industrielle, palpable, de la génération actuelle de réacteurs et de procédés, elle est faite d’avancées structurelles majeures, en progression lente mais sûre, et de révolutions techniques à venir, au service de tous les hommes. Et non plus de quelques-uns.

Les évènements ne sont que l’écume des choses,
ce qui m’intéresse, c’est la mer.

Paul Valéry

Aux Voix, nous avons donc choisi, au contraire, d’initier une série sur ce qui constituait l’avenir de la filière, auquel, tout entière, elle contribue aujourd’hui. Il va s’agir au cours de quelques newsletters dédiées de matérialiser l’importance qu’a cet aujourd’hui, si l’on veut se donner une chance de voir advenir demain

Et ce demain-là, ce serait vraiment, vraiment, dommage de le laisser passer.


Myrto
Au nom des Voix

 

Chronique(s) de l’autre nucléaire – Volume 1

Fusion, où en est-on ?

 

Par Greg De Temmerman, coordinateur scientifique à ITER

Quand on pense énergie nucléaire, les regards se tournent vers l’un des maintenant 57  réacteurs qui fournissent environ 72% de l’électricité en France et lui permettent d’avoir l’une des électricités les moins carbonées au monde.

Il existe cependant une autre façon de produire de l’énergie par procédé nucléaire : la fusion.

« Si l’on a parfois l’impression que fusion et fission s’opposent, ces deux domaines possèdent de nombreuses complémentarités que ce soit au niveau technologique, opérationnel et même stratégique dans le cadre du développement d’énergies bas-carbone »

Tour d’horizon des recherches en cours, et des perspectives futures.

La fusion est le procédé qui se produit au cœur des étoiles et par lequel deux atomes s’assemblent pour former un atome plus lourd, l’opposé du procédé de fission. Fusionner des atomes est très difficile et nécessite des températures très élevées – la température au centre du soleil est d’environ 15 millions de degrés. La matière à de telles températures est à l’état de plasma. C’est pourquoi les recherches en fusion se concentrent majoritairement sur la réaction entre deux isotopes de l’hydrogène : le deutérium et le tritium, étant la plus « facile » à réaliser bien qu’elle nécessite tout de même d’atteindre une température d’environ 150 millions de degrés. Les produits de la réaction sont alors un neutron énergétique et un atome d’hélium.

Apparaît alors l’un des gros défis de la fusion : contenir dans une enceinte solide un plasma à une telle température. Pour le confiner, on utilise des champs magnétiques très puissants pour l’empêcher de toucher les parois de l’enceinte. La configuration magnétique la plus efficace est appelée tokamak, concept inventé dans les années 1960 en Russie. Le plasma est alors confiné sous la forme d’un tore.

Pourquoi donc s’intéresser à un procédé qui paraît si difficile à maitriser ?

Plusieurs arguments font de la fusion une source d’énergie extrêmement attractive pour la production centralisée d’électricité, certains parlant même d’énergie illimitée ou ultime.

  • Résiliente. La réaction de fusion ne peut pas s’emballer. Il suffit de couper le chauffage du plasma ou l’alimentation en particules pour que le plasma s’éteigne très rapidement. Les quantités de matière mises en jeu dans le plasma sont extrêmement faibles, sa masse étant de l’ordre de quelques grammes.
  • Sûre. Même en cas d’accident provoquant un relâchement de tritium, qui est radioactif avec une durée de demi-vie de 12.3 ans, une évacuation des populations environnantes n’est pas nécessaire.
  • Pauvre en déchets. La fusion ne produit pas de déchets à haute activité et vie longue. Le produit de la réaction de fusion est l’hélium, un gaz inerte. L’activation des matériaux de structure crée certes des déchets mais dont la durée de demi-vie ne dépasse pas quelques dizaines d’années, limitant le besoin de stockage longue durée- les matériaux pouvant être recyclés après une centaine d’année.
  • Concentrée. La fusion est la source d’énergie la plus concentrée : 1g de combustible contient la même quantité d’énergie que 10g d’uranium et surtout que 16t de pétrole !
  • Abondante. Le tritium nécessaire pour la réaction n’existant pas à l’état naturel – il est produit principalement par les réacteurs de type CANDU – il devra être produit dans le réacteur. Il sera produit pas capture des neutrons émis par la réaction dans la couverture dite tritigène, contenant du lithium, qui entourera le plasma. Un réacteur de fusion devra donc produire plus de tritium qu’il n’en consomme. Le deutérium et le lithium sont disponibles en grandes quantités et surtout bien distribués géographiquement, faisant de la fusion une énergie en principe très abondante. Sans compter que la récupération du deutérium et du lithium dans l’eau de mer permettrait encore d’accroitre ces ressources de façon significative.

Où en est-on ?

Les recherches sur la fusion nucléaire contrôlée ont commencé vers la fin de la deuxième guerre mondiale aux Etats-Unis et en URSS. Des progrès constants ont été réalisés depuis et ont culminé dans les années 1990 avec la démonstration aux Etats-Unis et en Angleterre de la production d’énergie par fusion nucléaire. Cependant, ces expériences ont atteint des taux d’amplification inférieurs à 1 (record établi à 0.76), c’est-à-dire que l’énergie produite était inférieure à celle injectée dans le plasma.

Générer de l’énergie nette c’est tout l’objectif du projet ITER – International Thermonuclear Experimental Reactor – en construction à Cadarache au nord d’Aix-en-Provence, sur lequel collaborent 35 pays et qui vise à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion.

« Objectif : démontrer la faisabilité scientifique et technologique
de l’énergie de fusion »

L’objectif est un gain de l’ordre de 10 : 500 MW (thermiques, pas de conversion électrique dans ITER) produits pour 50 MW injectés. Démarré en 2006, le projet ITER a souffert d’un début difficile lié à la mise en place d’une organisation internationale complexe appliquée à l’un des projets technologiques les plus ambitieux jamais réalisés. Le démarrage des opérations est maintenant prévu pour 2025 et, après une montée en puissance progressive, les opérations deutérium-tritium doivent démarrer vers 2035. ITER est une machine d’une taille d’environ 30mx30m, utilisant des aimants supraconducteurs géants (le plus grand ayant un diamètre de 25m) et dont les composants sont extrêmement complexes, massifs mais fabriqués et assemblés avec des tolérances extrêmement faibles.

« Une organisation internationale complexe appliquée à l’un des projets technologiques les plus ambitieux jamais réalisés. […] Démarrage prévu pour 2025 »

Après ITER, la feuille de route européenne pour le développement de la fusion prévoit la mise en service d’un réacteur de démonstration (appelé simplement… DEMO) produisant de l’électricité (de l’ordre de 500MW), dans les années 2050. Le gouvernement britannique a récemment lancé la première phase du projet STEP (Spherical Tokamak for Electricity Production) dont l’objectif et de concevoir un réacteur de fusion compact qui pourrait être construit dans les années 2040. Enfin la Chine a lancé il y a plusieurs années le projet CFETR (Chinese Fusion Engineering Testing Reactor) qui doit démontrer la production d’énergie thermique en continue (initialement environ 200MW et environ 1GW comme objectif ultime) et la production de tritium. CFETR se place ainsi entre ITER et DEMO dans le développement d’un réacteur de fusion.  En parallèle de ces recherches ‘institutionnelles’, des entreprises privées se sont lancées dans l’aventure (voir la liste de start-ups) avec différents concepts, mais partageant toutes l’ambition d’accélérer le développement de la fusion. L’une de ces entreprises (Commonwealth Fusion Systems, une spin-off du MIT) a attiré l’attention du fond d’investissement Breakthrough Energy Ventures auquel contribuent entre autre Bill Gates et Jeff Bezos.

Un signe que la fusion entre dans une nouvelle ère ?

Prochain épisode :
Volume 2 : Fission et Fusion, une histoire de famille

Information : la prochaine réunion des Voix aura lieu le 19 mars 2020 à Paris centre. Tous les adhérents sont les bienvenus ! Pour plus d’informations, vous pouvez envoyer un mail à contact@voixdunucleaire.org.

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